Pisser

 

 

Au feu vert, je traversais le carrefour à circulation dense par le passage clouté lorsque je remarquai, à l’arrêt des bus en face, un jeune homme qui sortait de l’abri où se trouvaient ses compagnons. Il avait les traits d’une personne atteinte par le syndrome de Down et faisait partie d’un groupe de jeunes institutionnalisés pour de légers handicaps mentaux divers.

Il s’approcha du caniveau et, aux yeux de plus de cent personnes empruntant ce carrefour à cette heure, ouvrit sa braguette et, souriant largement à tout ce monde, pissa un puissant jet d’urine couleur paille sur les rails du tram.

Les autres, attendant le bus ou traversant, détournèrent le regard prétendant n’avoir rien vu ; moi, je lui fis un clin d’œil entendu au moment exact où il me regarda, espiègle, triomphant.

Son sexe, rose, charnu, révélé, porteur de l’or liquide de sa fontaine.

 

Il y a une bonne vingtaine d’années, une obédience du mouvement féministe réclama le droit de pisser droit comme les hommes ; des gobelets en carton, jetables ou réutilisables, furent fabriqués à cet effet.

Moi, qui suis proche de l’hominisme, je réclame le droit de pisser debout où que je veuille dans la nature comme les chiens, sans devoir me retourner pour, ou tourner le dos à, un regard féminin scandalisé par la vue ou par l’imagination d’un arôme, ni un regard d’enfant qui y reconnaîtrait son désir secret et s’en sentirait, à juste titre, justifié.

D’enfant, c’est-à-dire : de garçon (pour les petites filles, je me gênerais, uniquement). Devenant adulte également par ce qu’il voit et regarde, il se libère. C’est ce qui lui fut promis par le Créateur.

Les hommes : quel honneur que de mériter leur regard.